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IWD2023 Q&A : L’autonomisation des femmes profite à la société, puisque l’Égypte compte plus de 35 % de ménages dirigés par des femmes – Prof. Heba Allah E. Khalil

  • Heba Allah Essam El-Din Khalilis est professeur d’urbanisme durable au département d’ingénierie architecturale de la faculté d’ingénierie de l’université du Caire. Elle possède une expérience universitaire et professionnelle de plus de 15 ans. Elle est également coordinatrice principale du programme AET (Architectural Engineering and Technology) à la faculté d’ingénierie de l’université du Caire.
  • Elle a poursuivi des recherches scientifiques dans divers domaines, notamment le développement communautaire, l’évaluation participative, le développement des zones informelles, les stratégies d’efficacité énergétique, l’urbanisme durable, le logement abordable, la qualité de vie, la planification stratégique, le métabolisme urbain, le climat urbain et les systèmes urbains intégrés. Elle a publié plus de 25 ouvrages et articles de journaux.

Focus spécial sur les voix de premier plan en matière de droits fonciers des femmes en Afrique

Dans quelle mesure est-il important que les femmes se soutiennent mutuellement, et qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Dans le monde inéquitable actuel, les femmes doivent se serrer les coudes et se soutenir mutuellement. Qu’il s’agisse de promouvoir la sensibilisation aux questions d’équité entre les sexes, de diffuser des informations sur les opportunités pertinentes, d’offrir un mentorat ou de renforcer les capacités des femmes, le soutien à l’équité entre les sexes constitue un élément fondamental de mon éthique.

Pensez-vous que le domaine de la gouvernance foncière a réussi à intégrer les femmes, sur le plan conceptuel et institutionnel ?

Divers efforts ont été déployés pour intégrer les femmes dans les questions de gouvernance foncière. Cependant, il existe toujours un fossé entre les cadres conceptuels et la réalité qui découle d’une exclusion prolongée et systématique. Sur le plan institutionnel, il reste encore beaucoup à faire, qu’il s’agisse de renforcer la capacité des femmes à assumer diverses responsabilités et à représenter leurs intérêts dans les processus de prise de décision, ou de faciliter leur infiltration dans les structures institutionnelles existantes et dans les convictions bien ancrées qui sont depuis longtemps au pouvoir. En outre, compte tenu de leurs dynamiques différentes en matière de gouvernance foncière, beaucoup de travail est nécessaire sur le terrain, tant au sein des communautés urbaines que rurales.

Qu’espérez-vous voir en termes de progrès et de changement dans le domaine de la gouvernance foncière et des politiques de droit foncier des femmes au cours des prochaines années ?

J’aspire à voir davantage de femmes habilitées à occuper des postes de décision et à voir les programmes de logement donner la priorité à l’occupation des terres par les femmes. En outre, j’espère que les lois protégeant les droits fonciers des femmes seront mises en œuvre et se traduiront par des projets concrets grâce à une augmentation des ressources et du soutien institutionnel et sociétal.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent faire carrière dans le secteur de la gouvernance foncière ?

Le conseil que je donne aux jeunes filles et aux femmes est de bien étudier et de comprendre en profondeur les structures sous-jacentes qui entravent l’accès des femmes à la terre afin de pouvoir mieux concevoir des interventions adaptées. Je leur conseillerais également de poursuivre cette carrière et de s’équiper de la connaissance des outils technologiques et des logiciels connexes, ainsi que des compétences générales nécessaires pour mener des négociations et des discussions continues avec les différentes parties prenantes. En outre, et surtout, je leur conseillerais de toujours se souvenir des personnes vulnérables et sous-représentées et de la manière dont elles s’efforcent d’améliorer leurs moyens de subsistance lorsqu’elles sont confrontées à des défis ou à des obstacles sur leur chemin.


IWD2023 Q&A : Les lois doivent protéger les droits fonciers des femmes, quel que soit leur statut – Dr Edeme

  • Le Dr Janet Edeme est le chef de la division du développement rural au sein du département de l’agriculture, du développement rural, de l’économie bleue et de l’environnement durable de la Commission de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie.
    • Sa division est chargée de coordonner la mise en œuvre de l’Agenda de l’Union africaine sur la terre et ses défis, la gestion des pertes après récolte et l’autonomisation des femmes et des jeunes dans l’agriculture.

      Focus spécial sur les voix de premier plan en matière de droits fonciers des femmes en Afrique

      Quelle est l’importance de la Journée internationale de la femme (JIF) et que représente-t-elle pour vous ?

      La Journée internationale de la femme nous rappelle le rôle essentiel des femmes dans nos sociétés et leur précieuse contribution à l’Afrique. Si l’on considère le paysage africain, nos femmes contribuent à la subsistance de nos systèmes agricoles et alimentaires et à la réalisation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les femmes ont donc besoin de terres et d’autres ressources productives pour pouvoir contribuer au développement durable de l’Afrique.

      Lorsque les femmes pourront jouir de leurs droits fonciers, elles seront en mesure de contribuer suffisamment à la réalisation de l’Agenda 2063 ; plus précisément, l’aspiration 6 envisage une Afrique dont le développement est axé sur les personnes, en s’appuyant sur le potentiel offert par le peuple africain, en particulier ses femmes et ses jeunes, et en prenant soin des enfants. Grâce à l’aspiration 6 de l’Agenda 2063, nous espérons atteindre la pleine égalité des sexes dans toutes les sphères de la vie, y compris l’accès et la possession de terres productives.

      Vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps. Qu’est-ce qui, de 2022 à 2023, vous a le plus surpris en matière de droits fonciers des femmes ?

      Au cours de la période 2022 et des premiers mois de 2023, le monde se remettait de la pandémie de Covid-19. Cette pandémie a bouleversé le statu quo et a suscité une réflexion renouvelée sur la gestion des chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales.

      Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a toutefois ralenti le processus de rétablissement après la pandémie de Covid-19, et nous avons constaté une augmentation des coûts de production agricole, en particulier en Afrique subsaharienne, qui est fortement tributaire des engrais, des produits agrochimiques et des intrants agricoles bruts provenant des deux pays en conflit depuis près de deux ans maintenant.

      Nous devons donc repenser et élaborer des stratégies pour que les femmes puissent se positionner et appliquer des pratiques agricoles durables susceptibles d’améliorer leur productivité et de tirer parti des opportunités que créerait la réduction des importations de produits alimentaires en provenance d’Europe. Nous disposons de suffisamment de terres en Afrique, mais nous devons veiller à ce que nos femmes soient résilientes face aux nombreux chocs extérieurs, notamment les guerres, les épidémies et le changement climatique.

      Comment pouvons-nous reconstruire une société qui soutient les droits fonciers des femmes ?

      Pour avoir une société qui soutient les droits fonciers des femmes, nous devons veiller à ce que nos États membres mettent en place des politiques et des cadres juridiques qui protègent les droits fonciers des femmes malgré leur statut et quels que soient les régimes fonciers dont elles disposent.

      Il est également nécessaire de s’adapter aux technologies de l’information et de la communication (TIC) à faible coût et aux applications associées et de les utiliser pour améliorer le partage d’informations entre les femmes et les autres groupes vulnérables. Cela permettra de sensibiliser les femmes aux possibilités qui leur sont offertes de tirer parti de leurs droits fonciers et d’en bénéficier. Les TIC peuvent également faciliter l’accès des femmes à l’enregistrement des droits fonciers, à la vulgarisation agricole, au financement et à l’assistance technique.

      Nous exhortons également les États membres de l’UA à augmenter délibérément le quota de participation des femmes aux diverses plateformes de dialogue public-privé (PPD), tant au niveau régional que national. Ceci est essentiel pour faciliter la participation des femmes à la planification et à la prise de décision et pour accroître leur accès à l’information sur la terre.

      Que peuvent faire les hommes pour contribuer à l’égalité des droits fonciers des femmes ?

      Les hommes participent à la prise de décision concernant la terre. Ils sont également impliqués dans l’administration des terres dans le monde entier et peuvent promouvoir les droits des femmes à la terre dans leur rôle quotidien d’administrateurs de cette ressource vitale. Il s’agit notamment de créer un environnement commercial favorable aux femmes qui limite les obstacles à l’entrée des femmes et des entreprises dirigées par des femmes dans les différents secteurs de l’économie.

      Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes désireuses de faire carrière dans le secteur foncier/de la gouvernance foncière ?

      Les opportunités dans le secteur foncier sont diverses, et vous pouvez toujours trouver une place pour influencer le changement en tant que géomètre, administratrice, avocate défendant d’autres droits des femmes, décideuse politique et planificatrice. Les possibilités sont infinies dans le secteur foncier !

      Avec la numérisation croissante des processus, nous attendons des jeunes femmes douées pour la technologie qu’elles développent de manière innovante des technologies et des plateformes qui permettront de relever les défis qui affectent de manière disproportionnée l’accès des femmes à la terre. Travailler dans le secteur foncier vous permet de contribuer au développement, de manière spéciale et unique.


      NELGA présente : Série de questions-réponses pour le Mois international de la femme

      Bienvenue dans la série de questions-réponses du mois international de la femme sur le site web de NELGA. En mars, nous mettons en lumière les contributions essentielles des femmes dans le domaine de la gouvernance foncière et des droits fonciers. Dans le cadre de cette série, nous interviewons des femmes connues dans ce domaine. Elles nous parleront de leurs expériences, de leurs idées et de leurs points de vue sur un large éventail de questions liées à la gouvernance, aux politiques et aux droits fonciers.

      L’objectif de ces questions-réponses est d’honorer les réalisations des femmes dans ce domaine tout en attirant l’attention sur les problèmes qu’elles ont dû affronter et sur les possibilités de progrès et de changement. Nous espérons que cette série encouragera davantage de personnes à s’impliquer dans la gouvernance foncière et à œuvrer pour plus de justice sociale et d’équité entre les sexes.

      Nous sommes enthousiastes à l’idée de partager avec vous les histoires et les points de vue de ces femmes et nous espérons que vous vous joindrez à nous pour célébrer le Mois international de la femme et les contributions des femmes dans le domaine de la gouvernance foncière.

      #Embrasser l’équité

      Retrouvez les histoires ici :

      Dr Safiatou Saidou parle du plaidoyer, du lobbying et des contributions financières pour promouvoir les droits fonciers des femmes dans le Nord du Cameroun.

      Le Dr Janet Edeme parle de la protection des femmes, de leur résilience et des possibilités agricoles pour le développement de l’Afrique.


      How I Encourage Women to be Knowledgeable about Land Laws to Support Land Ownership

      Dr Safiatou Saidou, from Cameroon, won the Network of Excellence on Land Governance in Africa, Central Africa Node award, which recognizes the best master’s degree in land issues in Central Africa. She is committed to guaranteeing the rights of women to access land in Cameroon through the reform of legislative, regulatory and social standards.

      What examples have you seen of innovative approaches to protecting and promoting women’s land rights, and how can these be scaled up and replicated in other contexts?

      To my knowledge, recent innovative approaches in the northern zone of Cameroon are mostly centred around advocacy, lobbying and financial contributions to promote women’s land rights. Various NGOs and Associations have carried out several actions in favour of women in this direction. These include the CIGs, which are widespread in all the villages, which were initiated to respond to the need to constitute a common workforce based on proximity criteria whose aim, in the agricultural field, is to increase production. It is in this wake that to circumvent the discrimination of women in access to land; some women have decided to form a GIC; which increases their possibility of sustainably exploiting plots.

      In addition to the security crisis linked to boko haram in this region, international NGOs such as NRC, OCHA and other local organizations such as ALVF, ALDEPA, etc., support women in accessing land through information sessions on the security of land transactions and through legal assistance to those who encounter problems of land disputes. This support is observed much more in Logone and Chari, Mayo-Sava and Mayo-Tsanaga, the localities most affected by the security crisis. Thus, a new class of women is emerging and becoming more and more emancipated in this field. The picture is not totally black as is often thought because there are women who, personally and collectively, were able to gain access to large secure lands to improve their agricultural income. With these convincing results, these different approaches can be considered as reproducible best practices.

      What are the biggest challenges women face in accessing and owning land in your country/region?

      In my opinion, the biggest challenges in the northern zone of Cameroon are at the level of negative perceptions vis-à-vis women landowners and securing their rights. Despite the evolution of land rights, the marginalization of women persists. They can, in principle, acquire the land they want to exploit without a blockage relating to gender. But this marginalization of women in rural areas is well anchored in the socio-mental and socio-cultural universe of the populations, although today, Cameroonian law gives women the possibility of acquiring and owning land. While women have the possibility of accessing land through purchase, which is becoming the increasingly widespread mode of land transactions, the majority of them occupy marginal land.

      I can also mention marital status, which remains decisive for women’s access to land. In most cases, they risk losing their rights in the event of divorce, widowhood or the migration of their husband. To this, I must add that the inheritance of land is not shared equally between men and women. Women’s rights to land inheritance are affected by cultural norms and rules. For example, in cultures where land rights pass through men (patrilineal) and where women move in with their husbands upon marriage (patrilocal), a woman will rarely inherit land rights from her late husband because she is considered « foreign » to the bloodline of the late husband.

      Furthermore, I observe that marriage constitutes a brake on the purchase of land by women. Indeed, married women in the Far North region of Cameroon do not have the same freedom as single people, divorcees or widows to appropriate land.

      Moreover, because of their illiteracy and ignorance, the majority of women are unaware of the regulatory provisions allowing them to assert their rights to own and acquire or enjoy the land. Even when they know them, they hesitate to use them so as not to challenge social rules, but also and above all, for fear of being divorced or even stigmatised. Stigma thus leads to the persistence of traditional practices for women’s access to land through purchase, inheritance and donation within families. The same applies to the increase in the purchase of land in secret for fear of reprisals from the spouse.

      In the different regions of Cameroon, women who wish to own land face real difficulties; how to approach the land rights of women in rural Cameroon?

      In my opinion, the texts of laws applicable in Cameroon in land matters are multiple and multifaceted, outdated and difficult to interpret. They do not specifically mention women’s access to land. Land security for all and especially for women, necessarily implies the vote by the state authorities, new texts (drafting and voting of a single Land Code) and laws as well as the conformity of specific existing legal frameworks (Code of people and family).  

      In addition to involving women in local land management bodies, it is also important, in my opinion, to promote women’s full citizenship, and respect for their rights and facilitate women’s access to land ownership by lifting different barriers related to the weight of tradition and social norms.

      How can land governance/land policy be made more gender sensitive and inclusive, and what steps can be taken?

       I think that the development and implementation of a communication plan for the appropriation of laws relating to land ownership would make it possible to make everyone aware, and in particular women, that securing land is a factor important for development. They will educate and raise awareness on a large scale and also improve general knowledge of land laws. The women, who constitute more than half of the population of Cameroon, will then be able to understand their rights and be able to defend them. This will allow them to contribute considerably and effectively to development. Similarly, through awareness raising and information, legal illiteracy will be reduced,

      Furthermore, socio-economic and incentive measures can be taken to increase women’s access to land. In land matters, the inequality between the male and female sexes is greatly increased because, despite the existence of texts and political efforts, even intellectual women continue to be considered inferior in the eyes of tradition. Having limited resources, women cannot acquire land. To improve its status and enable it to have equal access to the landed heritage as a man, it is necessary, apart from its information, education and permanent dialogue, to take specific measures concerning it on the socio-political and economic.

      I will end by adding that support for creating and revitalising women’s groups can also be considered. Women in groups will be stronger; their combined efforts will allow them to sow more land and consequently have more financial means and be able to benefit from significant credits. It will be wise to strengthen those that already exist through technical and financial support and encourage and help create such groups in areas where they do not exist. The good organization of these groups and their cohesion will enable them to easily delegate their representatives to decision-making bodies on the issue of land management and to organize visits to exchange experiences between groups.

      What advice would you give to young women wanting to pursue a land governance career?

      I would advise them to familiarize themselves with the texts and laws in force, to be familiar with the sociological and political issues on the ground, but also to develop local awareness-raising strategies to support women in the process of development in land matters. . In this, they can not only contribute at their level to the development of knowledge on land but also to be able to support decision-making in their communities.


      IWD2023 Q&A : Les femmes doivent connaître les lois foncières en faveur de la propriété foncière – Dr Saidou

      • Le Dr Safiatou Saidou, du Cameroun, a remporté le prix du Réseau d’excellence sur la gouvernance foncière en Afrique, nœud d’Afrique centrale, qui récompense le meilleur master sur les questions foncières en Afrique centrale.
      • Elle s’est engagée à garantir les droits des femmes à accéder à la terre au Cameroun par la réforme des normes législatives, réglementaires et sociales.

        Focus spécial sur les voix de premier plan en matière de droits fonciers des femmes en Afrique

        Quels exemples avez-vous vus d’approches innovantes pour protéger et promouvoir les droits fonciers des femmes, et comment celles-ci peuvent-elles être étendues et reproduites dans d’autres contextes ?

        À ma connaissance, les approches innovantes récentes dans la zone septentrionale du Cameroun sont pour la plupart centrées autour des plaidoyers, des lobbyings et des apports financiers pour promouvoir les droits fonciers des femmes. Plusieurs actions ont été menées par diverses ONG et Associations en faveur des femmes dans ce sens. Il s’agit notamment des GIC, bien répandus dans tous les villages, qui ont été impulsés pour répondre à la nécessité de constituer une force de travail commune sur la base de critères de proximité dont le but, dans le domaine agricole, est d’accroître la production. C’est dans ce sillage que pour contourner la discrimination des femmes à l’accès à la terre, certaines femmes ont décidé de se constituer en GIC ; ce qui augmente leur possibilité d’exploiter durablement des parcelles. Par exemple dans la Région de l’Extrême-Nord, l’ONG CROPSEC a facilité l’acquisition de terres en faisant du lobbying auprès du chef traditionnel.

        En plus avec la crise sécuritaire liée au boko haram dans cette région, les ONG internationales à l’instar de NRC, OCHA et d’autres organismes locaux tels que l’ALVF, l’ALDEPA…, soutiennent les femmes dans l’accès au foncier à travers des séances d’information en matière de la sécurisation des transactions foncières et par des assistances légales à celles qui rencontrent des problèmes de litiges fonciers. Ces appuis sont observés beaucoup plus dans le Logone et Chari, le Mayo-Sava et le Mayo-Tsanaga, qui sont des localités les plus touchées par la crise sécuritaire. Ainsi, il y a une nouvelle classe des femmes qui émergent et s’émancipent de plus en plus dans ce domaine. Le tableau n’est pas totalement noir comme on le pense souvent, car il y a des femmes qui, à titre personnel et collectif, ont pu avoir l’accès à des vastes terres sécurisées pour améliorer leur revenu agricole. Avec ces résultats probants, ces différentes approches peuvent être considérées comme des bonnes pratiques reproductibles.

        Selon vous, quels sont les plus grands défis auxquels les femmes sont confrontées en matière d’accès et de possession de terres dans votre pays/région ?

        À mon avis, les plus gros défis dans la zone septentrionale du Cameroun se situent au niveau des perceptions négatives vis-à-vis des femmes propriétaires du foncier et de la sécurisation de leurs droits. Malgré l’évolution du droit foncier, la marginalisation des femmes persiste. Elles peuvent en principe acquérir par elles-mêmes les terres qu’elles veulent exploiter sans qu’il y ait un blocage relatif au genre. Mais cette marginalisation des femmes en zones rurales est bien ancrée dans l’univers socio-mental et socio-culturel des populations bien qu’aujourd’hui le droit camerounais donne la possibilité à la femme d’acquérir et de posséder la terre. Si les femmes ont la possibilité d’accéder à la terre grâce à l’achat qui devient le mode de plus en plus répandu dans les transactions foncières, la majorité d’elles occupe les terres marginales.

        Je peux aussi mentionner le statut matrimonial qui demeure déterminant pour l’accès des femmes à la terre. Elles risquent dans la plupart des cas de perdre leurs droits en cas de divorce, de veuvage ou de la migration de leur mari. À cela, je dois ajouter que l’héritage du foncier ne se partage pas de manière égale entre les hommes et les femmes. Les droits des femmes à l’héritage foncier sont affectés par les normes et règles culturelles. Par exemple, dans les cultures où les droits fonciers sont relayés à travers les hommes (patrilinéaire) et où les femmes déménagent chez leurs époux lors du mariage (patrilocale), une femme héritera rarement des droits fonciers de son défunt mari parce qu’elle est considérée comme « étrangère » à la lignée de sang du défunt mari.

        Par ailleurs, j’observe que le mariage constitue un frein à l’achat du foncier par les femmes. En effet les femmes mariées dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun n’ont pas la même liberté que les célibataires, les divorcées ou les veuves de s’approprier une terre.

        De plus, du fait de leur illettrisme et ignorance, la majorité de femmes ignorent les dispositions règlementaires leur permettant de faire valoir leurs droits de posséder et d’acquérir ou de jouir du foncier. Quand bien même elles les connaissent, elles hésitent d’en faire usage afin de ne pas remettre en cause les règles sociales, mais aussi et surtout de peur d’être divorcées voire stigmatisées. La stigmatisation conduit ainsi à la persistance des pratiques traditionnelles pour l’accès des femmes au foncier par l’achat, l’héritage et le don au sein des familles. Il en est de même de l’accroissement de l’achat de terrain en cachette de peur des représailles du conjoint.

        Dans les différentes régions du Cameroun, les femmes qui souhaitent posséder des terres sont confrontées à de réelles difficultés, Comment aborder les droits fonciers des femmes dans le Cameroun rural ?

        À mon sens, les textes de lois applicables au Cameroun en matière foncière sont multiples et multiformes, désuets et d’interprétation difficile. Ils ne font pas part spécifiquement de l’accès des femmes au foncier. La sécurité foncière pour tous et plus spécialement pour les femmes implique nécessairement le vote par les autorités étatiques, de nouveaux textes (élaboration et vote d’un Code foncier unique) et lois ainsi que la mise en conformité de certains cadres juridiques existants (Code des Personnes et de la famille).  

        En plus de faire participer les femmes aux instances de proximité de gestion du foncier, il importe également à mon avis de promouvoir la pleine citoyenneté des femmes, le respect de leurs droits et de faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière en levant les différentes barrières liées au poids de la tradition et des normes sociales.

        Comment faire en sorte que la gouvernance foncière/la politique foncière soit plus sensible au genre et plus inclusive, et quelles mesures peuvent être prises ?

         Je pense que l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de communication pour une appropriation des lois relatives à la propriété foncière permettrait à faire prendre conscience à tout le monde et en particulier aux femmes que la sécurisation de la terre est un facteur important de développement. Elles permettront d’éduquer et de sensibiliser à grande échelle et aussi d’améliorer la connaissance générale des textes de loi en matière foncière. Les femmes qui constituent plus de la moitié de la population du Cameroun seront alors en mesure de comprendre leurs droits et être capables de les défendre. Ce qui leur permettra de contribuer considérablement et efficacement au développement. De même, par le canal de la sensibilisation et de l’information, l’analphabétisme juridique sera diminué, la lutte contre la spéculation foncière et l’exclusion des femmes seront efficacement menées.

        Par ailleurs, je pense que des mesures socio-économiques et d’incitation peuvent être prises pour accroitre l’accès des femmes à la terre. En matière foncière, l’inégalité entre les sexes masculin et féminin est très accrue parce que malgré l’existence de textes et de l’effort politique, la femme même intellectuelle continue d’être considérée comme inférieure au regard de la tradition. Ayant des ressources limitées, la femme ne peut alors s’acquérir des terres. Pour améliorer son statut et lui permettre d’accéder au même titre que l’homme au patrimoine foncier, il y a lieu en dehors de son information, éducation et dialogue permanent, de prendre des mesures spécifiques la concernant sur les plans socio-politique et économique. Les propositions qui paraissent judicieuses ici surtout pour les zones de fortes pressions foncières sont le crédit foncier et l’épargne foncière à des taux d’intérêt réduits qui seront destinés à favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière.

        Je terminerai par ajouter que l’appui à la constitution et à la dynamisation de groupements de femmes peut également être envisagé. Les femmes en groupement seront plus fortes, leurs efforts conjugués leur permettront d’emblaver plus de superficies et d’avoir par conséquent plus de moyens financiers et de pouvoir bénéficier de crédits importants. Il sera judicieux de renforcer ceux qui existent déjà par l’appui technique et financier, susciter et aider à la création desdits groupements dans les zones où ils sont inexistants. La bonne organisation de ces groupements et leur cohésion leur permettront de déléguer facilement leurs représentantes dans les instances de décision sur la problématique de la gestion foncière et d’organiser des visites d’échanges d’expériences entre groupements. Toutes ces différentes actions seront en faveur d’une politique foncière inclusive.

        Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent faire carrière dans le secteur de la gouvernance foncière ?

        Je leur conseillerais de bien s’imprégner des textes et lois en vigueur, de bien connaître les enjeux sociologiques et politiques sur le terrain, mais aussi de développer des stratégies de sensibilisation de proximité pour accompagner les femmes dans le processus d’épanouissement en matière foncière. En cela, elles peuvent non seulement contribuer à leur niveau à faire évoluer les connaissances sur le foncier mais également à pouvoir appuyer à la prise de décision dans leurs milieux.


        Johannes Sucess Story sur l’acquisition d’une expérience pratique en matière de gouvernance foncière avec NELGA

        C’était une opportunité tellement excitante de faire partie d’une organisation culturellement diversifiée – Lineekelomwene Johannes

        En février 2023, j’ai rempli toutes les conditions requises pour obtenir une licence en gestion d’entreprise de la prestigieuse Namibia University of Science and Technology (NUST). La NUST est le principal centre du Réseau d’excellence sur la gouvernance foncière en Afrique, un réseau de l’Union africaine géré par le Centre africain de politique foncière avec le soutien de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ).

        Une partie des conditions d’obtention du diplôme consistait à effectuer un stage dans le cadre de l’apprentissage intégré au travail (AIT). Ce stage fait partie intégrante de notre programme d’études et doit être effectué par tous les étudiants pour obtenir leur diplôme. Par chance, j’ai rencontré M. Theodor Muduva, le conseiller de NELGA à NUST, et j’ai eu l’occasion d’acquérir de l’expérience en tant qu’assistant administratif stagiaire pour le réseau en Afrique australe.

        Pour dire les choses simplement, cela a modifié les règles du jeu et a été une expérience qui a changé la donne. Je mettais la théorie en pratique et échangeais des expériences concrètes. C’était passionnant de travailler avec des personnes de divers horizons et d’apprendre de leurs expériences et perspectives. Avant de rejoindre NELGA, je n’avais jamais pensé m’intéresser aux questions foncières, mais grâce à NELGA, j’ai appris à les connaître. Les mentors du centre NELGA à NUST, en particulier M. Muduva, ont été extrêmement gratifiants et m’ont incité à faire de mon mieux dans tous mes efforts pour contribuer au développement de mon pays, de ma région et du continent et, bien sûr, à obtenir une note supérieure à la moyenne dans mon cours d’AIT.

        Au cours de mon stage, j’ai notamment participé à une réunion de planification et d’examen de NELGA avec des délégués de toute l’Afrique parlant d’une seule voix. J’ai eu beaucoup de plaisir à interagir avec le corps enseignant de la NUST, les universités partenaires de NELGA, le Centre africain de politique foncière, la GIZ en tant que partenaire de mise en œuvre et bien d’autres. J’ai appris sur la gouvernance foncière en dehors de mon intérêt académique initial ; cependant, je pouvais voir les intersections et l’alignement de la gestion des affaires avec la terre et comment cela a un impact sur le continent. C’était une expérience passionnante.

        Je suis incroyablement reconnaissant de l’aperçu inestimable des rouages du monde des affaires que j’ai acquis grâce au temps passé au sein de NELGA au cours de ces premières années professionnelles. Faire partie de l’équipe NELGA a été une opportunité incroyable d’acquérir une expérience significative et des ressources intellectuelles pour guider mes futurs objectifs de carrière.


        Publication : Comprendre le système de location de terrains urbains comme un instrument stratégique de capture de valeur pour améliorer les revenus urbains en Ethiopie : Une étude de cas de la ville de Bahir Dar

        Depuis 1993, le gouvernement éthiopien utilise le système de location de terrains urbains pour monétiser l’augmentation de la valeur des terrains créée par des facteurs autres que l’investissement privé. Ainsi, cet article de Seid Hussen Yimam, Hans Lind et Belachew Yirsaw Alemu a pour but d’explorer et de comprendre si la ville de Bahir Dar utilise le système de location de terrains urbains comme un instrument stratégique de capture de valeur pour augmenter ses revenus locaux ou non.

        Cette étude a utilisé la méthode de recherche qualitative et l’analyse approfondie. Les informations nécessaires pour atteindre l’objectif de cette étude ont été recueillies par le biais d’une étude documentaire et d’entretiens avec des experts et des courtiers. L’étude a révélé que la plupart des terrains urbains sont détenus dans le cadre d’un système de permis, les propriétaires fonciers payant un petit montant de loyer foncier par an. L’étude a également révélé que la plupart des terrains de la ville ont été cédés par attribution administrative à des prix de référence bas et dépassés, ce qui a nui aux revenus locatifs de la ville.

        En outre, il a été constaté que le recouvrement des loyers n’est pas suffisamment contrôlé, ce qui nuit à la capacité de la ville à tirer profit des zones urbaines. Ainsi, la ville n’utilise pas le système de location des terres publiques comme un moyen stratégique de tirer plus de valeur de ces terres. Sur la base de ces résultats, ce document a conseillé au gouvernement de mettre en œuvre un système moderne d’impôt foncier afin de capturer l’augmentation de la valeur des terrains soumis à permis. L’étude prévoit également d’effectuer des recherches empiriques afin de déterminer les facteurs qui ont un impact significatif sur les prix de référence et d’actualiser régulièrement le prix de référence en fonction de ces facteurs. En outre, l’étude a suggéré une application correcte de la collecte des paiements de location dans la ville.

        Cliquez ici pour voir la recherche.


        Nouvelle étude : L’accès des femmes à la propriété foncière et au développement agricole à Baïgom, dans l’ouest du Cameroun

        Les femmes représentent près de 51% de la population camerounaise, et elles sont actives à plus de 70% dans les activités vivrières et maraîchères (INS, 2010). Comme celles d’ailleurs, les femmes rurales de Baigom se battent avec tous les moyens à leur disposition pour avoir accès à la terre et participer au développement agricole de ce village. Pour cela, elles ont besoin de terres et de capitaux pour mener à bien leurs actions afin de rentabiliser l’agriculture et assurer la sécurité alimentaire de leurs familles.

        Cette contribution permet d’analyser le contexte socio-économique et culturel, qui est principalement défavorable à l’accès des femmes à la terre à Baigom. Les femmes actives dans les activités de production agricole sont limitées par l’indisponibilité des ressources foncières, qui constituent un facteur de production non moins négligeable. Cet état de quasi-exclusion de ces acteurs principaux de l’agriculture familiale est préjudiciable au développement de l’économie agricole.

        Pour mener cette étude, la méthodologie adoptée a porté sur les sources primaires et secondaires et les observations de terrain. En ce qui concerne les sources primaires, des enquêtes socio-[1]économiques ont été réalisées auprès d’une population cible de femmes productrices du village de Baïgom. Les enquêtes socio-économiques ont touché 5% des femmes de plus de 15 ans ; au final, 150 questionnaires ont été collectés dans les cinq quartiers centraux du village (Nkoupetgom, Nkou gahri, Chaanké, Mbayé, Njissen). Les jeunes filles sont plutôt des ouvrières familiales dans l’agriculture paysanne.

        Les données secondaires sont le fruit de l’analyse documentaire et de la consultation des archives. Ces archives sont présentes dans les services déconcentrés de l’Etat des institutions spécialisées qui produisent des statistiques officielles, comme l’Institut National de la Statistique (INS). La webographie n’a pas été, par ailleurs, une source d’acquisition de connaissances spécifiques en matière d’approche genre des questions foncières dans l’ensemble de l’Afrique tropicale. Les principaux résultats indiquent que l’accès des femmes à la propriété foncière est faible, puisqu’elles ne sont qu’environ 8% à détenir un titre foncier. De plus, la juxtaposition de droits modernes et coutumiers complique la marginalisation de l’accès des femmes à la terre, impactant négativement les activités de production agricole. Malgré ces obstacles, des solutions sont envisagées par l’ensemble des acteurs pour impliquer davantage les femmes dans la gestion du foncier rural.

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        Une nouvelle recherche explore la relation entre l’inégalité de la propriété foncière et le niveau d’éducation au Kenya

        Nous avons le plaisir d’annoncer la publication d’un nouvel article de recherche de John Kamau Gathiaka, qui examine la relation entre l’inégalité de la propriété foncière et le niveau d’éducation au Kenya. L’étude, publiée dans la Tanzanian Economic Review, a utilisé les données de l’enquête intégrée sur le budget des ménages du Kenya et du recensement de la population et des logements du Kenya pour étudier l’influence du Gini de la propriété foncière sur le Gini du niveau d’éducation à travers les comtés et les déterminants du niveau d’éducation au Kenya.

        Alors que des recherches antérieures ont documenté une relation inverse entre la propriété foncière inégale et le niveau d’éducation dans d’autres pays, les preuves générées dans cette étude ne soutiennent pas cette relation forte au Kenya. L’étude a révélé que le financement de l’éducation gratuite par le gouvernement, associé à des bourses d’études, réduisait l’impact de l’inégalité de la propriété foncière.

        Pour réduire les inégalités en matière d’éducation dans les pays, le document de recherche suggère que le gouvernement investisse davantage dans l’éducation et adopte des politiques qui favorisent l’égalité des revenus des ménages, l’urbanisation et la participation à l’emploi public.
        Nous vous encourageons à lire le document de recherche complet (DOI : 10.56279/ter.v12i2.119) et à en apprendre davantage sur les résultats et leurs implications.

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        Découvrir les défis de la gouvernance foncière dans 9 pays africains : Vue d’ensemble du pastoralisme et de l’agriculture à petite échelle par NELGA

        NELGA a publié neuf profils de pays concernant le Soudan du Sud, l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso, l’Ethiopie, la Tunisie, l’Egypte et la Mauritanie. Ces profils donnent des informations sur le pastoralisme et l’agriculture à petite échelle dans ces pays. Grâce à des recherches sur l’état actuel de la gouvernance foncière dans chacune de ces nations, les rapports individuels ont identifié les lacunes des politiques qui pourraient être modifiées pour mieux soutenir le pastoralisme et l’agriculture à petite échelle.

        Les profils ont également souligné l’importance de la coopération régionale et internationale à travers l’Afrique pour améliorer les structures de gouvernance foncière adaptées aux besoins des communautés locales. Les profils comprennent une évaluation des recherches existantes sur les sujets, les effets du changement climatique, les politiques publiques en place pour soutenir le pastoralisme et l’agriculture à petite échelle, le rôle des femmes et des jeunes dans cet espace et la coopération régionale et internationale disponible pour soutenir les pays respectifs. Les profils individuels des pays font des recommandations pour améliorer la gouvernance foncière dans chaque pays.

        NELGA espère que ces rapports aideront le gouvernement à améliorer la façon dont il gère les ressources tout en s’assurant que les droits sur les ressources sont conservés et que les normes internationales sont toujours respectées. NELGA continue de travailler avec ses partenaires africains pour améliorer la gestion des terres dans tous les pays concernés.

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